J'avais entre cinq et six ans lorsqu'au cours de petites promenades avec mon grand-père paternel, dans les champs, le long de la Charente, je découvris pour le première fois un âne. Dans cette prairie bordant la rivière près de laquelle se trouvait la maison des grands parents qui nous ont hébergés à notre arrivée en France, cette rencontre m'enchanta. De l'autre côté du cours d'eau, au-delà d'un pont dont les planches était vermoulues, mon grand-père venait aussi de me faire découvrir le moulin dont la roue à aubes fonctionnait, actionnée par l'eau d'un petit canal de dérivation.
Ceci pour situer le décor, alors que m'habite de plus en plus le besoin, le plaisir, d'évoquer des éléments-souvenirs de mon vécu : probablement du fait de l'âge, de mon handicap, de la recherche d'un équilibre nouveau de vie, de ma vie, de ma fin de vie dont je fais un ultime et captivant dernier apprentissage.
Mon grand-père me parlait avec un attachement, avec une affection qu'on ne lui reconnaissait pas par ailleurs. De cet âne qui vint au-devant de nous, l'œil plein de tendresse et qui mangea tout naturellement la poignée d'herbe qu'il lui présentait, il montra une belle admiration et me suggéra d'en faire autant, ce qui fut pour moi un vrai grand moment de plaisir.
Dans ma vie, mes rencontres et notamment mon partage avec les ânes, ceux de l'espèce animale, sont autant d'éléments qui ont beaucoup compté et je pense que je ne manquerai pas de les évoquer un jour, d'une façon ou d'une autre. En attendant, il me plait bien de proposer ce poème de Francis Jammes, qu'une maîtresse d'école, une institutrice (c'est ainsi que nous les désignions à l'époque...), nous fit connaître et dont elle nous faisait réciter les premiers passages, tout en nous expliquant l'importance qu'avaient ces êtres dans notre vie et l'attachement qu'on devait leur porter.
- Je propose l'entame de ce poème... de même qu'en pièce jointe une photo prise ces jours-ci dans un des prés de notre village ainsi qu'une image que j'aime beaucoup et qui me replonge dans les premières décennies de mon vécu dans notre Hexagone.
J'aime l'âne...
J’aime l’âne si doux
marchant le long des
houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses
oreilles ;
et il porte les pauvres
et des sacs
remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un
petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il
est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en
velours...
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