samedi 15 mai 2021

Le parcours d'un sapeur pompier du Provinois

 Les sapeurs pompiers se doivent d'être toujours opérationnels et l'on peut dire qu'actuellement les événements les mettent continuellement en première ligne. Nous nous arrêterons volontiers sur le parcours de l'un d'eux, avec dans l'idée de mettre en valeur cette fonction qui a un caractère de vocation, et ce, d'autant plus que de nombreux jeunes, notamment parmi eux certains de Saint-Brice,  souhaitent en faire partie, certains ayant déjà leur place dans le groupe des jeunes sapeurs.

Celui dont nous évoquons le parcours, de 1976 à sa retraite en 2014, est du Provinois, et nous lui savons gré, sans pour autant le nommer, de nous avoir fait part de son vécu, à partir du moment où, adolescent, il était fasciné, comme il le dit lui-même, par les fameux camions rouges.

''Quand la sirène sonnait à Provins, un coup c'était un départ d'ambulance, deux coups indiquaient un feu intra-muros et trois coups un feu en campagne.

Mes parents m'avaient acheté une mobylette, un 103 Peugeot bleu à l'époque, et je ne manquais pas de suivre les engins rouges, parfois sous une pluie battante, pour aller voir ce qu'il pouvait bien se passer. J'étais déjà fasciné par ces camions, je le suis toujours et je crois bien qu'alors, ma destinée était écrite!

Mes débuts: En décembre 1976, j'incorpore la fameuse Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris et je débute par deux mois d'instruction au fort de Villeneuve Saint-Georges. Ensuite en tant qu'appelé du contingent, je suis affecté à la caserne Masséna, dans le 13ème arrondissement de Paris. Il se trouve alors que ma vision n'étant pas apte à l'opérationnel, je suis cantonné dans un bureau de la compagnie, hors rang pendant un an dans cette caserne, ce que j'ai du mal à supporter, car pour moi, ayant vocation à venir en aide aux autres, je me sentais profondément frustré.

Cependant, dans ce bureau, j'eus affaire à un capitaine exceptionnel, chef du bureau SHR (Service Hors Rang), le capitaine Berthier qui m'a aidé de façon extraordinaire, me permettant notamment de passer le permis poids-lourds et par ailleurs, sachant que la priorité était réservée aux engagés, de me libérer une journée pour aller passer le concours de sapeur pompier  professionnel à Chartres: arrivé 5ème à l'issue de l'ensemble des épreuves théoriques et pratiques, sur un nombre de candidats conséquent puisque de la France entière, je n'étais pas peu satisfait, voire fier du résultat.

Alors que je postule pour des postes à Chartres, Nogent le Rotrou, Caen et Melun, la Normandie me fait savoir qu'il serait préférable que je reste dans ma région. Faisant la démarche pour Melun, je me retrouve finalement affecté au CSP (dénomination à l'époque pour ''Centre de Secours Principal), à Provins, sans d'ailleurs l'avoir demandé. L'on imagine ma satisfaction, mon bonheur!

La seule intervention que j'avais eu à vivre à Paris, fut pour un feu de commerce, 2 à 8 rue du Pont Neuf, à La Samaritaine, quelques 20 engins d'incendie étant en place rue de Rivoli:  feu éteint dans une boutique, au moyen de sprinklers, et moi, en tant que conducteur du véhicule PC du G2 (groupement 2), j'eus le sentiment de ne servir à rien! À chaque fois qu'un collègue me demandait de le remplacer, lui se confrontait au feu et moi, toujours rien! J'étais franchement frustré...

Mon expérience provinoise: En fait, ma carrière commence vraiment dans cette caserne de Provins, à l'époque à côté des anciens abattoirs. J'y apprends énormément de choses: ce fut la meilleure période de ma vie professionnelle. Les VSAB (Véhicules de Secours aux Asphyxiés et aux  Blessés) étaient équipés comme le SMUR de l'hôpital de Provins. Je crois d'ailleurs savoir qu'en 1974, date de la création du SMUR, Alain Peyrefitte avait fait pression pour qu'il y ait cette antenne de secours d'urgence au sein du Centre hospitalier Léon Binet. Il avait notamment convaincu le professeur Huguenard, chef du SAMU 94, de la nécessité de créer un SMUR à Provins, ce qui fut réalisé.

Et puis, arrivent les  interventions marquantes comme celles du 20 juillet 1976: cette terrible tragédie dans le puits de mine de Richebourg, sur la commune de Léchelle,  où un sapeur pompier professionnel, le caporal Le Flohic ainsi que deux exploitants y laissent la vie; puis le midi, ce grave accident sur la RN 19, à la Petite Bertauche, entre Maison Rouge et Nangis et le soir, ce feu au Moulin des Forges à Poigny, sans oublier un autre accident sur la D 403 à Sainte Colombe. Le funeste total de la journée s'élèvera à 9 morts.

Mon parcours seine et marnais: Je suis resté en poste à Provins, une première fois du 1er janvier 1978 au 5 août 1990, date à laquelle je me retrouve à Coulommiers ... Au 5 août 1993, je rejoins la caserne de Melun où je suis en fonction jusu'au 1er octobre 2000, avant de revenir à Provins de nouveau, où je retrouve ainsi mes racines.

Lors de ces différentes affectations, je me suis souvent trouvé confronté à la mort avec les accidents de la route, les incendies, les noyades. Il est évident que certaines circonstances furent plus marquantes à mes yeux que d'autres, notamment cet accident sur la RN 4, entre Courtacon et Montceaux Lès Provins, qui avait vu une femme  lancer sa voiture contre un poids lourd, allemand en l'occurrence, qui arrivait en face. Le petit garçon qui avait été extrait de la voiture était en arrêt cardiaque et les sapeurs pompiers de Villiers Saint Georges étaient en train de lui prodiguer un massage cardiaque qui hélas, s'avéra sans résultat! Cet enfant ressemblait trait pour trait à mon fils, avec la même corpulence, le même visage, le même âge: ce fut très dur à encaisser!

Une autre fois, c'était sur un feu de maison: nous ne retrouvions pas les deux enfants qui étaient restés à l'intérieur dans l'habitation en flammes. J'étais persuadé qu'ils s'étaient réfugiés au premier étage... je marchais sur leurs corps carbonisés sans m'en rendre compte!

Un métier exceptionnel: Pour conclure cette approche, je considère que pendant 38 ans, j'ai fait un métier fantastique, assumé une fonction faite de joies, de peines, de douleurs, d'incertitudes et de doutes parfois et m'interrogeant souvent: Ai-je bien rempli ma mission?...

Par ce métier, l'on rentre dans la vie des gens, dans leurs souffrances, leurs peines, leurs désarrois et leurs détresses... parfois aussi, nous ressentons le bonheur de leur venir en aide, de les secourir.''


- Les photos qui accompagnent cet écrit mettent en valeur ces fameux véhicules rouges qu'utilisent les Sapeurs Pompiers, les uns comme les autres suscitant des vocations. Qu'ils soient sur la place du 29ème Dragons, face au gymnase ou sur le parking de la piscine municipale, ils attestent de la volonté de ceux qui les utilisent, de maintenir leur forme et leur équilibre, pour assumer à tous moments leur fonction.