Ses amis, et parmi eux certains artistes du Provinois savent bien que le Père André Kuna a été enlevé à tous, ce jeudi 21 juillet, bien plus tôt qu'il ne l'aurait imaginé lui-même. Ils lui connaissaient plusieurs projets d'importance, assez conséquents même, concernant l'art particulièrement, sous sa forme la plus large et diversifiée. Des projets auxquels il tenait beaucoup au point de s'y attacher, comme pour l'exposition en ce début d'année, hôtel de Savigny, en ville haute à Provins.
Certes, de lui-même, il ne serait absolument pas parti si tôt, il ne se serait pas dérobé à tous ceux qui l'avaient adopté. Surtout qu'il se réjouissait de constater que sa maîtrise de plus en plus évidente des subtilités de notre langue lui offrait justement cette possibilité à laquelle il prenait goût, de montrer tout l'humour dont il était capable et dont il regrettait qu'il ne soit pas toujours compris! Cet humour qu'il convenait bien sûr de prendre au deuxième degré, même si son propos pouvait quelquefois paraître frontal.
Humour mais aussi amour, notamment des vis à vis, des autres, et prioritairement des plus humbles, de ceux qui, à son instar étaient en souffrance. Amour partagé bien sûr, en ce sens qu'il suppose une réelle empathie qui prend en compte l'analyse de l'émotion que l'on exprime, en réponse à celle que l'on ressent de l'autre.
Un partage pluriel
Et pourquoi ne pas imaginer une approche à la Prévert de cette cérémonie d'obsèques, Jacques Prévert que le Père Kuna aimait évoquer parfois dans son propos? ''Les histoires de cercueils, c'est triste et pas joli'', disait cet homme d'écriture et d'humour en faisant allusion aux stéréotypes qui nous régissent... Alors peut-être un petit air de cornemuse en fin de cérémonie à l'intérieur de l'église, puis sur le parvis au moment de la mise en voiture mortuaire, air joué par celle qu'il avait lui-même accueillie lors d'un concert, quelques semaines plus tôt - Image forte, quand de l'autre côté de la place, un adorable chien partageait cet instant avec son humain compagnon - Café offert par un ami à la terrasse de l'estaminet proche pour soulager des articulations rotuliennes qui n'en pouvaient plus de la station ''debout'' adoptée par beaucoup pendant la cérémonie, les places assises (pourtant en nombre important en Saint Ayoul), étant toutes occupées - Élus municipaux et régionaux dont certains revenus de leurs lieux de vacances pour cet hommage - Une maman et ses quatre enfants dont le tout dernier en bas âge, dans sa poussette, ponctuant tout à fait légitimement, à sa façon, chaque relance monastique ("Perfectae caritatis") - Toute la hiérarchie religieuse entourée des servants proches s'évertuant à prolonger cette proximité qu'on reconnaissait au Père Kuna, auquel le papillon sur l'épaule de cette participante ne pouvait que faire un clin d'œil comme il les aimait - Artistes, l'un photographe qui venait de lui faire un travail sur des signatures d'œuvres pour expertises en vue de reconnaître, voire authentifier certains tableaux qui lui étaient chers, les autres peintres, se demandant ce qu'il allait advenir de toutes les merveilles d'art qu'il avait collectionnées et pour lesquelles, avec lui, avaient été abordés d'autres projets d'exposition - Ces nuages qui avaient versé quelques larmes le matin même, ainsi que l'avait noté un prêtre pendant l'homélie, nuages qui s'étaient retenus de pleurer pendant la cérémonie et qui de nouveau, au sortir de l'église faisaient se déployer les parapluies: ''Un p'tit coin d'parapluie, contre un coin d'paradis...''
''L'esprit de l'Art'', thème de son exposition évoquée ci-avant, comme l'esprit de l'autre qui l'animait et qui était la vocation de toute sa vie, indissociablement en lien avec son sens de l'humain chez lequel il faisait briller cette petite flamme qui attestera toujours de sa présence. C'est ce que nous faisait remarquer aujourd'hui encore, une personne qui comme tous, en garde un souvenir vivant.
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